Literatūra ISSN 0258-0802 eISSN 1648-1143

2023, vol. 65(4), pp. 8–19 DOI: https://doi.org/10.15388/Litera.2023.65.4.1

Straipsniai / Articles

L’oralité dans les romans de guerre : les différents aspects des gros mots chez Henri Barbusse et Ahmadou Kourouma

Joanna Kotowska-Miziniak
Université de Wroclaw (Pologne)
Chaire de littérature et culture française de l’Institut d’études romanes
e-mail : joanna.kotowska@uwr.edu.pl
https://orcid.org/0000-0002-5891-6578

Résumé. L’article propose d’aborder, dans la perspective comparatiste, la question de l’oralité dans deux récits portant sur la guerre : le roman autobiographique d’Henri Barbusse, Le Feu (1916) et du roman fictionnel d’Ahmadou Kourouma, Allah n’est pas obligé (2000). Éloignés l’un de l’autre par une distance temporelle, un cadre générique et une structure narrative, ces deux ouvrages présentent néanmoins un trait commun majeur qu’est le souci de décrire les expériences martiales – vécues ou imaginées – de manière directe et personnelle, ce qui trouve sa manifestation au niveau lexical. Quoique les « poilus » de Barbusse n’utilisent pas le même vocabulaire que les enfants-soldats kourumiens, participant dans les combats en Liberia et en Sierra Leone dans les années 90, leur langage se caractérise par la même propension à la grossièreté. A part sa fonction primaire d’instrument de libération émotionnelle par une décharge cathartique instantanée, le « parler soldatesque » joue également le rôle d’outil de communication qui assure l’intégration au sein d’une communauté. Abstraction faite de ses particularités linguistiques, géographiques ou historiques, le langage des combattants des différents pays traverse les frontières et acquiert une dimension universelle, en tant que porteur de la mémoire collective du XXe siècle tumultueux.
Mots-clés : oralité, guerre, gros mots, Barbusse, Kourouma.

Orality in War Novels: Different Aspects of Swear Words in Henri Barbusse’s and Ahmadou Kourouma’s works

Abstract. The paper proposes to address, from a comparative perspective, the question of orality in two war novels: Henri Barbusse's autobiographical Le Feu (1916) and Ahmadou Kourouma’s fiction Allah n’est pas obligé (2000). In spite of a temporal distance, a generic framework and a narrative structure that separates the two novels, they both present one major common feature which is the concern to describe the martial experiences – real or imagined – in a direct and personal way, which finds its expression at the lexical level. Although Barbusse’s First World War soldiers do not use the same vocabulary as Kourouma’s child soldiers who took part in the fighting in Liberia and Sierra Leone in the 1990s, their language is characterized by the same abusive use of swear words. Apart from its primary function as an instrument of emotional liberation through an instantaneous cathartic discharge, “soldier’s talk” also plays the role of a communication tool that ensures integration within a community. Leaving aside its linguistic, geographical or historical particularities, the language of combatants from different countries crosses borders and acquires a universal dimension, as the bearer of the collective memory of the tumultuous twentieth century.
Keywords: orality, war, swear words, Barbusse, Kourouma.

Karo romanų šnekamoji kalba: skirtingi keiksmažodžių aspektai Henri Barbusse’o ir Ahmadou Kourouma kūryboje

Santrauka. Straipsnyje komparatyvistiniu aspektu analizuojama dviejų karo romanų šnekamoji kalba: Henri Barbusse’o Ugnyje ir Ahmadou Kourouma Alachas niekuo dėtas. Laiko distancijos skiriamus romanus vienija sumanymo ir pasakojimo struktūros bendras bruožas: siekis tiesiogiai, iš asmeninių pozicijų aprašyti realias arba įsivaizduojamas karo patirtis, pasireiškiančias leksiniu lygmeniu. Nors Barbusse’o kareiviai frontininkai vartoja kitokią leksiką negu Kourouma vaikai kariai, paskutiniame XX a. dešimtmetyje dalyvavę kovose Liberijoje ir Siera Leonėje, jų kalbėjimui būdingas polinkis į nešvankumą. „Kareiviška šneka“ kaip spontaniška katarsinė iškrova atlieka ne tik pirminį emocinio palengvėjimo vaidmenį, bet ir tarnauja kaip komunikacinis instrumentas, užtikrinantis integraciją į bendruomenę. Nepaisant kalbinių, geografinių ar istorinių aplinkybių, skirtingose šalyse kovojančių karių kalba peržengia sienas ir, būdama audringo XX amžiaus kolektyvinės atminties liudininkė, įgyja universalų matmenį.
Reikšminiai žodžiai: šnekamoji kalba, karas, keiksmažodžiai, Barbusse, Kourouma.

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Received: 01/02/2023. Accepted: 28/03/2023
Copyright © Joanna Kotowska-Miziniak, 2023. Published by Vilnius University Press
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1. Préliminaires

La présence de l’oralité dans les romans de guerre (quoi qu’ils soient fictionnels, autofictionnels ou – surtout – non-fictionnels) semble s’expliquer principalement par sa dimension expressive. Le langage fleuri des soldats avec ses particularités du style, de la grammaire et du vocabulaire, confère au récit le goût de l’authenticité. Vu l’ampleur du sujet suggérée par la notion même de l’oralité, nous allons nous borner à examiner seulement cet aspect « pittoresque » c.-à-d. grossier de l’argot soldatesque afin de saisir comment fonctionnent les jurons et les injures dans deux types distincts de réalité littéraire, représentés par une œuvre autobiographique et une œuvre fictionnelle, dont la comparaison peut mener à des conclusions intéressantes.

Nous avons choisi l’autobiographie de l’écrivain français Henri Barbusse, intitulée Le Feu : journal d’une escouade (1916) et la fiction de l’auteur ivoirien francophone Ahmadou Kourouma, Allah n’est pas obligé (2000). Abstraction faite de l’indiscutable valeur de ces deux ouvrages, couronnés par les prix littéraires considérables, tels que le Goncourt pour Barbusse et le Goncourt des lycéens, le prix Renaudot et Amerigo Vespucci pour Kourouma, ils offrent au lecteur un univers assez différent, quoiqu’il reste inscrit dans le périmètre de la guerre. D’un côté, Le Feu emploie une narration simultanée au vécu pour raconter des expériences martiales d’un « poilu » dans les tranchées de la Grande Guerre. De l’autre, Allah n’est pas obligé constitue une rétrospective remontant dans les années 90 qui narre les (més)aventures d’un enfant-soldat au milieu des guerres civiles africaines au Liberia et en Sierra Leone. Bref, un écart spatio-temporel de soixante-quatorze ans sépare les deux protagonistes – et cette distance s’accentue davantage par la différence au niveau des expériences de vie entre le « small soldier » kouroumien, Birahima, un gamin orphelin d’une dizaine d’années qui n’a aucun autre choix pour survivre que de devenir soldat et celui du fantassin barbusien, engagé volontairement en 1914 à l’âge de quarante et un ans. Qui plus est, Barbusse-soldat vient d’un milieu humaniste et cultivé, contrairement à Birahima, un enfant de la rue dont la scolarité s’est arrêtée à l’école élémentaire1. Enfin, vu l’anticléricalisme de son auteur, Le Feu ne s’inscrit dans aucune religion2, tandis que le titre même du roman kouroumien souligne clairement l’appartenance religieuse du jeune Malinké à une communauté musulmane. Et pourtant, alors que tout semble séparer le « poilu » et l’enfant-soldat, toutes ces différences d’âge, d’éducation ou de religion tendent à s’effacer sur le plan linguistique devant un traumatisme commun de la guerre que les personnages de ces deux romans expriment à travers le même langage vif et émotionnel, injecté d’une dose de grossièreté ou d’autodérision, selon le cas.

Aussi bien Le Feu qu’Allah n’est pas obligé sortent de l’ordinaire par l’originalité de leur forme. Barbusse, quant à lui, fut un des premiers à comprendre l’utilité de répertorier les paroles vulgaires des combattants afin de saisir la vér(ac)ité de l’expérience martiale. Comme l’affirme Aurélien Soucheyre dans un entretien avec le professeur Denis Pernot : « la guerre moderne ne peut se dire qu’à condition de renoncer aux procédés traditionnels de l’épopée » (Soucheyre, 2016) et souligne l’aspect innovant de l’écriture barbussienne:

[A]vant Henri Barbusse, une part importante de la presse diffusait une vision tronquée, épique des combats, se coulant dans le modèle d’un affrontement glorieux où la valeur des hommes l’emporte. Barbusse, au plus près des soldats, décrit des combats sans précédent dans l’histoire de la guerre. (ibid.). 

À part les macabres descriptions réalistes, voire naturalistes, des cadavres jonchant les champs de bataille3 – qui ont valu à Barbusse le surnom de « Zola des tranchées » –, c’est avant tout le langage pittoresque des soldats qui interpelle le lecteur. Il est des articles, à l’instar de celui de Marie-Aude Bonniel paru dans Le Figaro4 à l’occasion du centenaire de la Grande Guerre, qu’il conviendrait justement de compléter par la dimension malséante du langage dont se servent les combattants.

Le langage des « poilus » est tout de même moins choquant que celui des enfants-soldats. L’originalité de la forme d’Allah n’est pas obligé réside principalement dans une narration innovante qui combine le récit de faits traditionnel avec l’utilisation, dans des parenthèses explicatives, de définitions tirées de différents dictionnaires. Ce procédé permet à l’écrivain non seulement de maintenir la fluidité du discours tout en évitant les notes en bas de page mais aussi à créer un effet humoristique, en jouant sur l’innocence/l’ignorance du narrateur (nous y reviendrons par la suite). Subversivement, Birahima ne trouve de justification utile des dictionnaires que dans le contexte des grossièretés :

Pour raconter ma vie de merde, ce bordel de vie dans un parler approximatif, un français passable, pour ne pas mélanger les pédales dans les gros mots, je possède quatre dictionnaires. Primo le dictionnaire Larousse et le Petit Robert, secundo l’Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire et tertio le dictionnaire Harrap’s. Ces dictionnaires me servent à chercher les gros mots, à vérifier les gros mots et surtout à les expliquer. (Kourouma, 2000, p. 11)

2. Les injures

Certes, l’écriture sur la guerre se sert des moyens de la guerre, c’est-à-dire de la violence contenue dans le lexique. Dans Le Feu, Barbusse répertorie minutieusement les injures que les soldats se balancent mutuellement ou adressent à leur ennemi commun afin de l’offenser. D’après la classification de William Labov, il y est question des insultes personnelles, quoiqu’elles puissent prendre également une forme plus humoristique qui nous invitera à penser également à la catégorie des insultes dites rituelles, assurant une fonction intégrante à l’intérieur du groupe (Labov, 1978). Ainsi, les fantassins de la Grande Guerre s’inspirent souvent du règne animal : « les vaches ! » (227), « les cochons ! » (230), « sale bête ! » (277), « bête noire ! » (109) ou restent sur la métaphorique humaine : « sales bougres » (126), « c’pauv’ type, c’te charogne » (124), « c’t’enfant d’vermine-là » (124), « c’vieux pétard » (212). Selon le contexte, ces injures expriment tous les sentiments que la guerre peut inspirer, à savoir : la haine, la peur, le mépris ou la pitié. Rares sont les insultes sérieuses comme « hildepute »5 (déformation de « fils de pute ») (204) ou « pute de moine ! » (144), qui marquent une grande colère mêlée au désespoir. Et il y a bien sûr aussi le terme « boche », qui apparaît une bonne cinquantaine de fois dans Le Feu et qui a, lui aussi, un sens clairement péjoratif.

Parfois, en prononçant une injure, les « poilus » ne visent même pas une personne mais un objet inanimé qui leur paraît particulièrement terrifiant, comme dans la scène où ils échangent leurs opinions sur les armes les plus meurtrières :

— Rien de vache comme une fusée. Ainsi il m’est arrivé à moi…
— Y a pire que tout ça, interrompit Bags, de la onzième ; les obus autrichiens : le 130 et le 74. Ceux-là i’ m’font peur. I’ sont nickelés, qu’on dit, mais c’que j’sais, vu qu’j’y étais, c’est qu’i’ font si vite qu’y a jamais rien d’fait pour se garer d’eux ; sitôt qu’tu l’entends ronfler, sitôt i’ t’éclate dedans. […]
— Et y a aussi ce salaud d’obus nouveau qui pète après avoir ricoché dans la terre et en être sorti et rentré une fois ou deux, sur des six mètres… Quand j’sais qu’y en a en face, j’ai les colombins
6. (Barbusse, 1916, p. 239)

En divaguant longuement sur ce sujet, les combattants essayent de maîtriser leur crainte en l’articulant, leurs paroles laissant sous-entendre un souhait muet de ne pas subir les conséquences douloureuses – le plus souvent mortelles – de ce type d’arme.

Curieusement, même dans les situations très émotionnelles qui auraient peut-être pu exiger un mot violent, telle que la scène de l’attaque chimique menée tout juste après le bombardement du champ de bataille, les fantassins de Barbusse se contentent d’utiliser une injure peu grossière. Observons ce passage, il s’agit d’une vive discussion entre Farfadet et Barque sur l’aspect humanitaire de l’utilisation des gaz pendant la guerre :

Voici fuser et se balancer sur la zone bombardée un lourd paquet d’ouate verte qui se délaie en tous sens. […]
— C’est des gaz asphyxiants, probable. Préparons nos sacs à figure !
— Les cochons !
— Ça, c’est vraiment des moyens déloyaux, dit Farfadet. […]
— Tu m’fais marrer, riposte Barque, avec tes moyens déloyaux et tes moyens loyaux… Quand on a vu des hommes défoncés, sciés en deux, ou séparés du haut en bas, fendus en gerbes, par l’obus ordinaire, des ventres sortis jusqu’au fond et éparpillés comme à la fourche […]. Quand on l’a vu et qu’on vient dire : « Ça, c’est des moyens propres, parlez-moi d’ça ! ».
(ibid., pp. 230-231)

Quant à Allah n’est pas obligé, les injures dont se sert Birahima sont beaucoup plus monotones et traditionnelles ; il s’agit avant tout de « con » (3 occurrences textuelles) ou de « couillon » (7 occurrences), comme l’illustre l’exemple suivant : « Si tu aimais bien Bon Dieu et Jésus-Christ, les balles ne te frappaient pas et tuaient les autres, parce que c’est Bon Dieu seul qui tue les méchants, les cons, les pécheurs et les damnés » (78). Le degré supérieur de l’injure est assuré par l’emploi de la notion mathématique « au carré » : « des couillons au carré » (58), « ces cons au carré de féticheurs » (127), « des filous au carré » (157), « cette couillonne au carré » (129) etc. Il y manque de la créativité des « poilus ». La tonalité du récit de Birahima se veut très sérieuse, à moins que ce ne soit l’auteur lui-même qui, par la façon de mener la narration, déjouera la solennité des paroles de son jeune protagoniste. Nous y reviendrons.

3. Les jurons

Les jurons, n’étant pas destinés à offenser autrui, jouent un rôle d’interjections et assurent une décharge cathartique des fortes émotions accumulées pendant la journée. Le gros mot le plus populaire est « merde » (avec ses dérivés, c’est-à-dire les verbes forgés à partir de ce substantif vulgaire, « démerder » et « emmerder », que nous allons laisser de côté pour ne pas dévier de l’objectif de la présente étude). Dans Le Feu, il apparaît neuf fois, tantôt figé dans l’expression « merde alors ! » (220), tantôt utilisé dans le sens trivial du terme. Dans Allah n’est pas obligé, il y a dix occurrences de « merde », dont sept dans le sens propre du terme et les trois autres utilisées de manière métaphorique comme synonyme de dur et pénible : Birahima voit sa propre vie, ainsi que celle de sa mère, comme « une vie de merde » (7, 9, 17). Alors en bref, chez Barbusse, ce juron populaire réalise la fonction d’interjection grossière, tandis que chez Kourouma, en outre de ce rôle, il apparaît encore dans sa valeur adjectivale.

Jurer est souvent une réaction quasi-automatique aux conditions extérieures que les soldats doivent subir pendant la guerre. Lorsque Barbusse décrit une marche pénible des « poilus » à travers Ablain-Saint-Nazaire recouverte par la neige, il note les difficultés que la saison hivernale pose à l’escouade grelottante de froid, exténuée et affamée :

La route devient une mare qu’on franchit sur les talons, en faisant avec les pieds un bruit de rames. […] Parfois, il y a assez d’eau pour qu’ils flottent ; alors, sous le poids de l’homme, ils font : flac ! et s’enfoncent, et l’homme tombe ou trébuche en jurant frénétiquement. (ibid., p. 223).

Vers cinq heures du matin, le chef du détachement ordonne aux soldats de porter sur le dos un lourd madrier « boueux et glissant qui pèse bien quarante kilos » et d’une claie « de branchages feuillus, grande comme une porte » (ibid.). Le poids énorme les pousse à maudire : « On se remet en marche, parsemés sur la route maintenant grisâtre, très lentement, très pesamment, avec des geignements et de sourdes malédictions que l’effort étrangle dans les gorges » (ibid.). Pour comble de malheurs, les obus allemands commencent à tomber du ciel, pareils à la biblique « pluie de feu et de souffre » (Gen, 19, 24) qui frappe Sodome et la Gomorrhe. Dans une odeur « de soufre, de poudre noire, d’étoffes brûlées, de terre calcinée » (Barbusse, 1916, p. 231), les fantassins continuent la marche, « tout en frissonnant de froid, en grelottant, en reniflant, en s’épongeant le nez avec des mouchoirs mouillés qui pendent de l’aile, en maudissant les obstacles de la route en lambeaux » (ibid., p. 224). Les malédictions jouent la même fonction que les jurons : elles permettent d’extérioriser son mal-être, ce qui donne un soulagement provisoire (et illusoire).

Selon Pierre Guiraud, les gros mots permettent « d’assouvir des instincts fondamentaux frappés d’interdits sociaux et religieux » (Guiraud, 1980, p. 47). Si Barbusse se borne à employer un discours narrativisé pour signaler que les « poilus » jurent violemment ou profèrent des malédictions sans pour autant entrer dans les détails, Kourouma note avec un certain plaisir (ou est-ce plutôt un souci de vraisemblance ?) le langage direct et grossier, voire obscène, de l’enfant-soldat. Déjà à la première page du roman, Birahima annonce hardiment au lecteur :

Je m’en fous de la décence. Je suis un enfant de la rue […], suis insolent, incorrect comme barbe d’un bouc et parle comme un salopard. Je dis pas comme les nègres noirs africains indigènes bien cravatés : merde ! putain ! salaud ! J’emploie les mots malinkés comme faforo ! (Faforo ! signifie sexe de mon père ou du père ou de ton père). Comme gnamokodé ! (Gnamokodé ! signifie bâtard ou bâtardise). (Kourouma, 2000, p. 10)

Et de fait, le juron « faforo » apparaît au total cinquante-cinq fois, et « gnamokodé », trente-trois fois sur les deux cent trente-six pages du roman7 ; on trouvera donc, statistiquement, un de ces gros mots toutes les 2,5 pages. La quantité, la répétitivité et l’obscénité des grossièretés dans Allah n’est pas obligé constitue la première des deux différences majeures entre le roman de Barbusse et celui de Kourouma.

Par ailleurs, le vilain langage de Birahima illustre bien le caractère subversif voire carnavalesque (dans le sens bakhtinien) des gros mots, qui introduisent dans la langue officielle ce que François Perea appelle « le primat momentané du corps, de ses sensations et de ses émotions, apparaissant de manière „grosse”, „grasse”, outrancière » (Perea, 2011, p. 53). L’atmosphère carnavalesque d’Allah n’est pas obligé est davantage renforcée par le narrateur lui-même, un garçon à peine adolescent qui jure comme un adulte, parle de l’acte sexuel (19 fois) ou des organes génitaux (« bangala » (15 fois) pour le sexe masculin et « gnoussou-gnoussou » (14) pour le féminin). Dans le récit de Birahima, lui-même puceau (ce qu’il avoue à la page 72), seule la construction maladroite des phrases trahit son jeune âge ; l’idée contenue dans ses paroles, au contraire, ne relève pas de la naïveté infantile :

Les religieuses, ça portait des cornettes pour tromper le monde ; ça faisait l’amour comme toutes les femmes, ça le faisait avec le colonel Papa le bon. Parce que le colonel Papa le bon était le premier coq du poulailler et parce que c’était comme ça dans la vie de tous les jours. (ibid., p. 82).

Toutes ces obscénités que nous avons déjà citées, complétées de tous ces « cul » (15 fois), « sexe » (22), « bordel » (15), « putain » (10), « saloperie » (3), etc., pénètrent dans la langue habituellement policée et peuvent choquer le lecteur non-habitué à une narration prise en charge par un enfant qui s’exprime de manière si indécente.

Et pourtant, ce n’est pas (seulement) pour choquer que Kourouma laisse son protagoniste jurer. Le langage grossier des combattants, qu’ils soient mineurs ou adultes, assure avant tout une dimension testimoniale. La situation politique et économique de la Sierra Leone et du Liberia ravagés par les guerres tribales, la confusion des religions et des valeurs humaines chez les enfants-soldats pousse Birahima à chercher de la vérité dans ce qu’il est contraint de vivre :

[J]’ai commencé à ne rien comprendre à ce foutu univers. À ne rien piger à ce bordel de monde. Rien saisir de cette saloperie de société humaine. Tête brûlée avec les fétiches venait de conquérir Niangbo ! C’est vrai ou ce n’est pas vrai, cette saloperie de grigri ? Qui peut me répondre ? Où aller chercher la réponse ? Nulle part. […] À faforo (cul de mon père) ! (ibid., p. 128)

Dans ce contexte, le langage grossier semble révéler d’avantage le désespoir des paroles de Birahima, déçu (dégoûté ?) tout autant par le monde compliqué et inhospitalier que par la société vile et mensongère. Les grossièretés témoignent de la véracité psychologique du récit narré par le protagoniste d’Allah…, qui non seulement rend compte, mais également universalise, pour ainsi dire, les émotions éprouvées par les enfants devenus soldats faute d’alternative :

Et quand on n’a plus personne sur terre, ni père ni mère ni frère ni sœur, et qu’on est petit, un petit mignon dans un pays foutu et barbare où tout le monde s’égorge, que fait-on ? Bien sûr on devient un enfant-soldat, un small-soldier, un child-soldier pour manger et pour égorger aussi à son tour ; il n’y a que ça qui reste. (ibid., p. 100).

Pour les gamins orphelins, devenir bandit s’avère le seul moyen d’avoir de quoi se nourrir : situation atroce et déplorable. Mais, comme l’indique le titre complet du roman de Kourouma, « Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ici-bas » (5)…

Quant au Feu, l’idée de saisir et de transmettre la vérité – aussi bien historique que sociologique et psychologique – ressort du chapitre XIII du roman, intitulé « Les gros mots ». Dans le fragment cité, Barbusse-soldat rassure son compagnon Barque qu’il ne censurera pas le parler des « poilus » dans son carnet de guerre, rédigé scrupuleusement durant l’année 1915 :

Barque me voit écrire. […] Il indique de la tête les papiers où j’étais en train de prendre des notes. […] Il a envie de me poser une question.
– Dis donc, […] si tu fais parler les troufions dans ton livre, est-ce que tu les f’ras parler comme ils parlent, ou bien est-ce que tu arrangerais ça, en lousdoc ? C’est rapport aux gros mots qu’on dit. Car enfin, […] tu n’entendras jamais deux poilus l’ouvrir pendant une minute sans qu’i’s disent et qu’i’s répètent des choses que les imprimeurs n’aiment pas besef imprimer. Alors, quoi ? Si tu ne le dis pas, ton portrait ne sera pas r’ssemblant : c’est comme qui dirait que tu voudrais les peindre et que tu n’mettes pas une des couleurs les plus voyantes partout où elle est. […]
– Je mettrai les gros mots à leur place, mon petit père, parce que c’est la vérité.
(Barbusse, 1916, pp. 182-183)

Le narrateur du Feu assume ainsi le rôle de chroniqueur de la vie dans les tranchées qui rapporte fidèlement le langage argotique et grossier des « poilus ». Barbusse-soldat et Barbusse-écrivain deviennent deux « figures dédoublées du sujet engagées dans une expérience littéraire dont l’exigence n’est plus de véracité (transcription d’une « réalité » attestable) mais de fidélité à un impossible (le « réel ») qui demande cependant d’être dit »8. L’authenticité devient donc la raison essentielle pour laquelle l’auteur du Feu introduit délibérément dans son récit, narré dans un français soigné, les propos exprimés dans un langage trivial et parfois incorrect. C’est ce que souligne également Philippe Baudorre : « L’impression d’authenticité qu’ont ressentie les premiers lecteurs ne provenait pas essentiellement des descriptions ou des récits de la vie dans les tranchées mais de la place occupée par la langue des poilus » (Baudorre, 2006, p. 2). La langue a une valeur de preuve ; elle constitue un témoignage ultime de l’Histoire.

Si la dimension testimoniale de l’ouvrage écrit à la mémoire des camarades poilus est incontestable, celle de l’ouvrage fictif écrit à la demande des enfants de Djibouti9 semble beaucoup moins évidente, voire impossible. Et pourtant, selon Flávia Nascimento, l’œuvre fictionnelle de Kourouma peut contenir, elle aussi, une dimension testimoniale dans la mesure où elle constitue « un témoignage des manipulations et des souffrances atroces dont ont été victimes des centaines d’enfants engagés comme combattants pendant les guerres civiles africaines » (Nascimento, 2011, p. 291). C’est aussi la raison pour laquelle la voix du narrateur-protagoniste Birahima représente une « allégorie de l’écrivain-témoin » (ibid., p. 293). Qui plus est, Armelle Cressent affirme que certains passages d’Allah n’est pas obligé « s’éloignent à peine de la description sociopolitique ou même ethnologique alors que le récit de Birahima […] prend carrément la forme d’un témoignage » (Cressent, 2006, p. 124). Et plus loin, elle suppose que « c’est peut-être grâce à un chassé-croisé entre fiction et réalité qu’il est donné à Kourouma de devenir lui-même témoin en créant avec ses lecteurs une audience pour ses témoignages, et de fabriquer de toutes pièces par la fiction un témoin comme Birahima » (ibid.).

Quoi qu’il en soit, le langage utilisé dans Le Feu et Allah… est avant tout porteur de mémoire et constitue une démonstration – sinon un témoignage – littéraire, souvent romancée mais non moins éloquente, de la barbarie du XXe siècle.

4. Les injures humoristiques

Or, le langage des soldats ne se caractérise pas seulement par cet aspect grave et sérieux. Il est tout autant comique et autodérisoire. Même dans les situations qui mettent leur vie en danger, les combattants ne perdent pas le sens de l’humour : « Un sifflement arrivait vers nous, puis brusquement il s’est éteint. L’engin n’a pas éclaté. — C’est un obus qui dit merde, constate Paradis » (Barbusse, 1916, p. 234).

Le vocabulaire des « poilus » est drôle et léger afin de contrebalancer les atrocités de la guerre : « Le quotidien est tellement dur que justement, [l’autodérision] est une forme de dérivation et de catharsis »10, affirme Odile Roynette. Observons ce lexique égayé des fantassins jouant à la manille dans une caserne :

— À moi d’faire !
— 40, 42 ! – 48 ! – 49 ! – C’est bon !
— En a-t-il de la veine, c’gibier-là. C’est pas possible, t’es cocu trois fois ! J’veux pus y faire avec toi. Tu m’pèles, c’soir, et l’aut’ jour aussi, tu m’as biglé, espèce de tarte aux frites !
— Pourquoi tu t’es pas défaussé, bec de moule ?
— J’n’avais que l’roi, j’avais l’roi sec.
— L’avait l’manillon de pique.
— C’est bien rare, peau d’crachat, qu’i’ l’avait.
(ibid., p. 265)

À part les injures amusantes d’ordre culinaire (« espèce de tarte aux frites ») ou zoologiques (« c’gibier-là », « bec de moule »), nous en avons répertorié encore d’autres, d’ordre anatomique ou végétal, construits souvent sur le même schéma. À l’aide de mots et d’expressions auxiliaires tels que « face/tête de », « bec de », « peau de », « espèce de » et « vieux/vieille », les soldats de la Grande Guerre laissent libre cours à leur créativité, ce qui donne toute une liste d’injures amusantes :

Mot/expression auxiliaire

Occurrences textuelles (avec le numéro de page)

« face de » / « tête de » 

« face d’haricot » (10), « face de dos » (188), « face de fesse » (121), « face de ver » (260), « face de noix » (34), « face de pet » (54), « face de semelle » (96), « tête de pied » (189).

« bec de »

« bec de singe » (10), « bec de veau » (227), « bec de moule » (265), « bec de puce » (37), « bec d’asticot » (193), « bec de cane » (107), « bec de jus » (119).

« peau de » 

« peau d’fesse » (10), « peau d’crachat » (265), « peau d’tripe » (109).

« espèce de » 

« espèce de tarte aux frites » (265), « espèce de gros morceau » (211).

« vieux » / « (ma) vieille »

« vieux détritus » (17), « vieux moule à caca » (54), « vieux panneau » (217), « vieux manche » (221), « vieux machin » (220), « vieille cloche » (118), « vieille colique » (120), « vieille doublure » (236), « ma vieille punaise » (229), « vieille noix » (116), « vieille fouineuse » (199).

Tab. 1. Le tableau représente un échantillon des expressions injurieuses humoristiques des « poilus » dans Le Feu d’Henri Barbusse.

Bien entendu, ce schéma de création montré dans le tableau ci-dessus n’est pas suffisant pour englober toutes les expressions imagées que les « poilus » se balancent, il n’en n’est que le modèle le plus répandu.

S’il y a une différence entre le langage pittoresque des soldats de la Première Guerre mondiale et ceux des conflits tribaux en Afrique, elle réside justement dans cette créativité ingénieuse avec laquelle les « poilus » inventent les gros mots. L’effet humoristique, chez Kourouma, naît d’une tout autre chose, en l’occurrence du jeu de l’auteur, homme cultivé, avec son jeune protagoniste inculte qui range chaque mot qui lui semble difficile dans la catégorie des « gros mots ». Pour illustrer nos dires, prenons deux exemples dans lesquels Birahima décrit son commandant, surnommé Tête brûlée : « [Il] était un type bien. Un type tout ce qu’il y a de bien. […] Ça mentait plus que ça respirait. C’était un fabulateur. (Fabulateur est un gros mot, ça signifie raconte des histoires montées de toutes pièces. Dans mon Larousse.) » (Kourouma, 2000, p. 80). Et plus loin : « Tête brûlée a continué à intoxiquer en douceur. (Intoxiquer, c’est un gros mot : c’est influencer à faire perdre tout sens critique, d’après mon Larousse.) » (ibid., p. 82). D’ailleurs, c’est justement en raison de cette intoxication, c’est-à-dire la divulgation d’une image mensongère de l’ULIMO (United Liberation Movement of Liberia for Democracy, un mouvement qui a participé à la Première guerre civile libérienne en 1989-1996) parmi les enfants-soldats du Front national patriotique du Liberia (NPFL), que le commandant Tête brûlée – lui-même déserteur de l’ULIMO – se voit faussement accusé d’un crime par le chef du NPFL, le colonel Papa le bon, et condamné à une exécution en public. Dans ce contexte, Xavier Garnier affirme que « [l]’écriture de Kourouma fait apparaître le lien profond qui existe entre l’humour et la cruauté. Les souffrances qui jalonnent les romans de Kourouma ne donnent lieu à aucun apitoiement, elles nous font plutôt basculer du côté du rire » (Garnier, 2006, p. 97). Un rire parfois amer.

5. Vers une conclusion

La Première Guerre mondiale d’après Henri Barbusse, la Deuxième d’après Claude Simon, la révolution algérienne d’après Laurent Mauvignier, la guerre civile sierra-leonaise d’après Ahmadou Kourouma… Chaque conflit militaire engendre une multitude de récits de combattants ou de témoins oculaires des événements tragiques11, ainsi qu’un nombre considérable de faux-témoignages, d’ouvrages fictionnels et autofictionnels. De la plume de Barbusse sort une œuvre historique dans laquelle se confondent l’auteur, le narrateur et le témoin. Quant à Kourouma, il cherche à rendre compte des souffrances que les enfants ont subi en Sierra Leone et au Liberia : c’est sa participation à la vérité, au quasi-témoignage civique et moral.

Et pourtant, dans leur aspect le plus fondamental, toutes les guerres se ressemblent – ainsi que se ressemble le langage des combattants devenu une parole universelle, suspendue entre l’espoir et le désespoir, la peur et la haine. Qu’on les appelle « poilus », « trouffions », « harkis », « G. I. » ou « small soldiers », les soldats décrivent leur expérience martiale à travers leur propre langage, mélange pittoresque de jargon militaire et de parler populaire, rempli de grossièretés. Tant dans Le Feu que dans Allah n’est pas obligé, les jurons et les injures véhiculent un grand poids émotionnel et assurent une décharge libératrice, indispensable à maintenir un équilibre mental. L’agression verbale, dont les jurons et les injures sont une manifestation flagrante, est une manière d’évacuer le stress et la frustration qui accompagnent les soldats, quels que soient leur âge, leur niveau d’éducation ou leur confession.

Certains gros mots populaires apparaissent dans les deux romans (tels que « merde »), d’autres sont plus spécifiques et n’appartiennent qu’à l’un de ces deux univers (comme « gnamokodé ! » pour le roman de Kourouma versus « espèce de tarte aux frites ! » de Barbusse). La différence essentielle entre Le Feu et Allah… réside dans la créativité des injures, tantôt drôles tantôt offensantes. Dans l’ouvrage de Barbusse, il y a plus d’injures personnelles, mais elles sont assez « légères » et humoristiques, tandis que dans le roman de Kourouma, il y a plus de jurons, obscènes quoique naïfs. On peut avoir l’impression que du point de vue de Birahima, les gros mots servent d’une sorte de « passeport verbal » ou d’une clé assurant aux enfants jetés précocement dans un tourbillon de guerre l’accès à un univers des adultes – violent et vulgaire, néanmoins désiré car considéré dans sa dimension de force, et par là, de survie. D’où émerge, d’ailleurs, la valeur exclusive/inclusive des gros mots qui assurent l’appartenance à une communauté et transmettent une sorte d’identité (sans doute bancale et approximative, mais une identité quand même) aux enfants de la rue qui n’ont ni famille, ni éducation, ni, à fortiori, moyens de vivre. Par un langage grossier, ils essaient peut-être de sortir de ce « no man’s land » verbal qu’est l’enfance défavorisée d’un gosse non-désiré et dépourvu d’identité, vers ce qu’ils envisagent comme un univers plus privilégié des adultes.

Tout compte fait, les fonctions fondamentales du « parler soldatesque » restent donc les mêmes indifféremment des époques, des races, des confessions ou des langues : c’est d’abord un instrument de libération émotionnelle assurant le maintien d’un équilibre mental ; ensuite, un outil de communication exclusive car caractéristique à un groupe social ou une unité militaire ; et enfin, un moyen rituel d’intégration qui marque l’appartenance à une communauté et donc assure une identité… En bref, ce langage argotique, grossier ou dérisoire, est ce que les soldats ont en commun : une valeur universelle qu’ils partagent tous même si tout semble les séparer.

Bibliographie

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1 « [J]’ai coupé cours élémentaire deux. J’ai quitté le banc parce que tout le monde a dit que l’école ne vaut plus rien » (Kourouma, 2000, p. 10).

2 Quoique, selon certains chercheurs comme Jérémy Camus, l’œuvre de Barbusse se caractérise quand même par une dimension spirituelle et constitue une sorte de « quête d’une alternative à Dieu » (Camus, 2015, p. 839).

3 Voir à ce propos le chapitre XVII du Feu, intitulé « La sape ».

4 Cf. (Bonniel, 2014).

5 L’injure « hildepute », considérée comme un de ces pittoresques « sématismes » caractéristiques aux soldats de la Grande Guerre, apparaît dans le dictionnaire de Gaston Esnault Le Poilu tel qu’il se parle (Esnault, 1971, p. 357).

6 Gaston Esnault répertorie une variante de cette expression argotique qui est « mettre les colombins » (Esnault, 1971, p. 289).

7 Notre ouvrage de référence est l’édition de Seuil (2000).

8 À ce propos, Philippe Forest propose la notion du « pacte testimonial » (Forest, 2002, p. 215).

9 Cf. Dédicace du livre : « Aux enfants de Djibouti : c’est à votre demande que ce livre a été écrit » (Kourouma, 2000, p. 7).

10 Les paroles d’Odile Roynette, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Franche-Comté, prononcées à l’occasion de la réédition du dictionnaire Le poilu tel qu’il se parle (1916) de G. Esnaut sont citées par (Trouillard, 2014).

11 F. Nascimento rappelle que « le latin dispose de deux termes pour représenter le témoin. Le premier, testis, dont dérive le mot témoin, veut dire, étymologiquement, celui qui se pose comme tiers (terstis) dans un procès ou lors d’un litige entre deux parties. Le deuxième terme, superstes, représente celui qui a vécu quelque chose, qui a traversé jusqu’au bout un événement et qui peut, donc, en donner témoignage. » (Nascimento, 2011, p. 297).